Je rappelle ici que je n’ai aucune légitimité à donner des conseils à qui que ce soit en matière de jeûne. Comme beaucoup, j’ai regardé des tonnes de vidéos/films documentaires et lu pas mal, mais cela ne suffit pas. Je vous recommande de jeûner en étant encadré par un.e professionnel.le agréé et dont le sérieux est reconnu. Le jeûne que j’ai fait obéit à certains principes (1 jus/1 bouillon par jour + randonnée), d’autres jeûnes existent qui se pratiquent différemment (eau uniquement/repos). A vous de voir ce qui vous convient le mieux également selon vos objectifs.
Ça faisait très longtemps que j’avais le projet de jeûner. Pour des raisons de santé digestive d’abord, pour voir jusqu’où j’étais capable d’aller dans mon rapport à mon corps et à la faim, et pour l’éventuelle clarté d’esprit – voir développement des capacités de perception – que cela permet. Je ne l’ai pas fait pour des problèmes graves ou pour perdre du poids.
Gardez en tête que je ne raconte que mon expérience, que tou.te.s les jeûneurs.euses vivent cela différemment, et même d’un jeûne à l’autre.
J’ai choisi un endroit pas loin de Paris et un cadre de vie qui semblait agréable. Je n’avais pas particulièrement envie de randonner mais les activités proposées dans ce lieu sont toutes optionnelles – ce que j’ai trouvé très confortable. www.jeuneiledefrance.com, https://www.facebook.com/jeuneiledefrance/
Première étape : la descente alimentaire
L’idée est de préparer le corps à cesser de s’alimenter. Il s’agit donc, lors des jours précédant le jeûne et pour une durée au moins équivalente, d’enlever petit à petit les aliments les plus toxiques et les plus durs à digérer. En gros et dans l’ordre : café thé alcool sucre cacao, produits industriels, chairs animales, produits animaux, protéines végétales, céréales et amidons, légumineuses, sel et épices, oléagineux, pour que le.s dernier.s jour.s il ne reste que des fruits et des légumes. Sans forcément diminuer les quantités mais en restant raisonnable.
Je ne vais pas vous mentir, pour moi ça a été très, très dur. Je crois que c’est le fait de manquer de liberté. Même si tout cela était un choix, ça m’a mis de sale humeur de ne pas pouvoir manger ce dont j’avais envie. Mais bon, ça se fait, et je n’avais pas envie d’imposer à mon corps un changement trop brutal, donc je m’y suis tenue (à 90%). Le plus dur pour moi c’était d’enlever le sel, les épices et la sauce soja. L’angoisse.
Mal de crane assez persistant l’avant dernier et le dernier jour de la descente – probablement dû au phénomène de détox naturelle qui s’enclenche lorsque qu’on allège son alimentation de manière assez rapide.
Pendant ces jours j’ai eu très peur. C’était hyper inconscient, je savais très bien que je ne craignais rien à part des inconforts physiques mais une partie de moi a bien cru que j’allais mourir. Expérience intéressante que d’accueillir cette peur.
« Je ne connaîtrai pas la peur car la peur tue l’esprit. La peur est la petite mort qui conduit à l’oblitération totale. J’affronterai ma peur. Je lui permettrai de passer sur moi, au travers de moi. Et lorsqu’elle sera passée, je tournerai mon œil intérieur sur son chemin. Et là où elle sera passée, il n’y aura plus rien. Rien que moi. » Extrait de Dune, de Franck Herbert.
Deuxième étape : le jeûne.
Jour 1
Bon. En me levant le matin je ne faisais pas la maligne. Mais comme j’avais déjà fait des journées en ne mangeant qu’à 17h ça allait. D’ailleurs ça peut faciliter l’expérience, je pense, de faire des jeûnes d’une journée – qui nécessitent peu de préparation, à part peut-être éviter de se gaver la veille – afin qu’un jeûne de plusieurs jours soit plus facile mentalement. A vérifier auprès des gens compétents.
J’arrive sur le lieu vers 16h30 et là, oh merveille, l’endroit est magnifique. Jardin immense, chambre simple agréable, accueil très chaleureux d’Emmanuelle qui restera pleinement disponible pendant le séjour. Les autres participantes arrivent petit à petit. Une partie du groupe a déjà jeûné, l’autre non. Prise de bouillon de légumes (sans rien dedans, c’est spécial, je n’en ai pas repris les autres jours vraiment gustativement ça ne m’a pas plu).
Ça aide tellement d’être à plusieurs – surtout si, comme moi, vous avez la chance et la joie de tomber sur un groupe exceptionnel. Des femmes belles, fortes, courageuses, sensibles et vraiment, vraiment bienveillantes.
Première nuit pas de problèmes pour m’endormir, j’ai d’ailleurs eu un sommeil normal pendant tout le jeûne (ouf). Fatiguée tôt. Toute la nuit et jusqu’à la randonnée du lendemain nausée légère mais persistante. Je savais que les symptômes lors d’un jeûne sont temporaires donc je ne me suis pas inquiétée plus que ça. Et moi qui déteste vomir, hé bien là, pas de risque.
Jour 2
Alors attention réveil dur dur. J’ai mis un temps fou à m’assoir dans mon lit puis à me lever, ensuite debout plusieurs étourdissements et grand ralentissement. Il a suffi de prendre mon temps, de me rassoir régulièrement, d’y aller tout doux. Le jus ce matin-là n’est pas passé je l’ai donc laissé. Je me sentais très faible physiquement, un peu embrumée mentalement et plutôt sereine.
Les filles m’ayant assuré que la mise en mouvement allait m’aider je suis partie en rando, me demandant comment j’allais marcher 10km dans cet état – moi qui n’ai pas une pratique sportive régulière ces derniers temps. Mais je pouvais toujours faire demi-tour. J’y suis donc allée et là, miracle, même si j’étais plus lente et plus vite essoufflée que d’habitude, aucun problème pour enquiller les 10 bornes. Je me sentais bien sauf lorsqu’on faisait des pauses ! Hallucinant. Donc, en fait, non, le corps n’a pas besoin d’alimentation pour fonctionner (sur un temps court bien sûr). Pendant le séjour le plus dur physiquement c’était les escaliers sur un étage pour retourner dans ma chambre au retour !
Une des participantes était cheffe, et nous avons passé beaucoup de temps à parler de nourriture (Marion Flipo, allez voir son insta). Ça peut sembler paradoxal mais ça m’a bien aidé. Manger m’a manqué – non pas physiquement, mais surtout parce que j’ai réalisé à quel point le plaisir gustatif et le partage des repas étaient pour moi une source de joie immense. Donc en parler me permettait de me projeter dans le futur et de penser aux choses merveilleuses que j’allais pouvoir à nouveau déguster avec les gens que j’aime.
Chaque soir nous avions rdv à 18h pour le bouillon (beurk), une discussion et un documentaire autour du jeûne et de l’alimentation pour celles qui le souhaitaient.
Jour 3
J’ai bu un peu de jus le matin mais ça m’écœurait. Marre des tisanes aussi alors je suis restée à l’eau citron/menthe et eau normale.
J’ai séché la rando (courbatures/flemme et envie de calme). J’ai fait une pratique de Yin Yoga (merci Marie-Salomé Menier de Yogayoma pour les Facebook live), j’ai pris le soleil dans le jardin puis je me suis fait un auto-soin de Reiki. J’avais eu mal au dos pendant la nuit, de manière assez étrange : douleurs aux lombaires irradiant dans les jambes et présentes surtout allongée, un peu assise et pas du tout debout. Ça s’est aggravé les nuits suivantes puis ça a disparu. J’ai traité avec huile à l’arnica Weleda (merci Emmanuelle) et huiles essentielles de menthe poivrée et de poivre noir (merci Patou). Probablement une expression de la detox.
Je me suis joint au groupe pour la seconde activité de la journée : sauna/hammam/piscine/bain à bulles. Au top. Toujours pareil, au ralenti, mais les idées plus claires. Canal de perception grand ouvert. C’était déjà le cas avant le jeûne, mais j’ai bien senti que ça passait un autre niveau.
Jour 4
Matin un peu moins difficile, mental clair. Jus carotte/citron qui passe très bien. Vraiment marre de ne pas manger. Je décide de rompre le jeûne le soir en rentrant sans attendre le lendemain matin (ce qui était prévu au départ). D’autres participantes ont prolongé chez elles de la même manière (jus/bouillon) ou avec une cure de jus PAF. Cela fait vraiment partie de ce que j’ai apprécié dans manière dont Emmanuelle a conduit le jeûne, je me suis sentie libre de faire ce que je voulais sans être jugée mais en étant prise en charge pleinement.
Je fais la rando de 5km aisément puis prends un temps de repos avant de reprendre le RER. Je quitte les autres participantes avec un peu de tristesse – signe de la grande cohésion de groupe qui s’est créée en si peu de temps. Normal, je crois, lorsque l’on traverse des « épreuves » ensemble mais aussi en raison de la belle alchimie du groupe.
Mon odorat est habituellement déjà très développé mais là on passe à un niveau super-héros, donc le trajet retour RER pas très confortable en plein été ! Je me sens toujours un peu faible, fébrile et tranquille.
Pendant ces 4 jours j’ai eu un teint resplendissant, une haleine assez horrible, et la sensation de faim n’a jamais vraiment disparu, ça allait et venait. J’ai appris à faire avec sans m’inquiéter.
Troisième étape 3 : la reprise
La reprise se fait sur une durée au moins équivalente et idéalement un peu plus longue que celle du jeûne. Elle est pour moi assez dure mentalement au début. Je fais appel à toute ma patience et mon courage parce qu’il faut y a aller très doucement pour que le corps se réhabitue à la nourriture. Il s’agit de mâcher longtemps et manger lentement, tranquillement ; réintroduire les types d’aliments progressivement et en quantités réduites au début.
On commence par une figue sèche + 3 pruneaux + 1 CS de graines de lin trempés 12h dans de l’eau que notre accompagnatrice nous donne avant notre départ. Puis fruits et légumes, puis oléagineux, légumineuses etc. (la descente à l’envers, donc). Les forces me reviennent peu à peu, j’ai mis deux jours à retrouver une énergie normale.
J’avais beaucoup entendu que lors d’une reprise les aliments ont un goût décuplé et tout est merveilleux. Perso j’ai trouvé les fruits et carottes trop sucrés, la salade amère. Certes, retrouver nectarines blanches, tomates et huile d’olive et houmous, c’est divin. Mais comme le système digestif reprend son activité je sens les mouvements du péristaltisme et j’ai le ventre un peu gonflé. Pas douloureux mais inconfortable.
La vie sans sel/sauce soja/moutarde ne valant pas la peine d’être vécue, je choisis de réintroduire ces condiments plus tôt que prévu. En « échange » je ralenti le rythme prescrit pour la réintroduction des amidons et des produits animaux histoire de ne pas trop en demander à mon corps.
A l’heure où j’écris ces lignes je n’ai pas encore repris de viande ou de poisson mais globalement mon alimentation et revenue à la normale sans difficultés majeures.
Ma plus grande joie je crois est de pouvoir me lever le matin en ayant l’esprit clair et sans mettre 45mn à être opérationnelle. Les seules fois dans ma vie où j’ai pu vivre une telle lenteur matinale c’est le lendemain d’une anesthésie générale. Donc le jeûne, d’un point de vue du ressenti physique, c’est un peu comme si j’avais été « malade » et que j’avais eu besoin de respecter à la lettre et avec beaucoup de douceur le rythme de mon corps – ce qui serait chouette de faire tout le temps, bien évidemment. Les symptômes désagréables qui peuvent arriver sont un signe de detox (le corps se débarrasse de ses toxines par les organes émonctoires, je vous laisse faire des recherches plus avant). Ce sont donc des crises de guérison. C’est d’ailleurs toujours le cas selon les points de vue hygiénistes/naturo qui me plaisent beaucoup.
A défaut de pouvoir manger ce qui me fait envie pendant cette reprise, je fais une petite boulimie d’activités. Je suis arrivée ces dernières années à un bel équilibre entre faire des trucs et me reposer et là je sens bien que je suis dans une modalité un peu excessive de remplissage d’agenda qui se radoucit peu à peu.
Conclusion :
J’ai gagné en lâcher prise et en confiance/admiration/respect pour ce corps miraculeux et plein de ressources. J’avais sous-estimé ma force mentale et ma capacité de détermination.
Je peux vous dire que réussir à faire qqchose qui semble impossible est vraiment un cadeau à se faire. Je possède pour toujours cette mémoire expériencielle.
Je viens de faire ce que j’imaginais être le plus dur pour moi. J’ai donc gagné la liberté de faire pleins d’autres choses qui me semblaient difficiles et qui maintenant me paraissent faisables.
Cesser de manger ne me plaît pas, n’a pas de sens pour moi. Je ne pense donc pas, a priori, réitérer l’expérience, mais j’aurai plus de facilité à allonger le jeûne intermittent que je pratique régulièrement, à faire des journées fruits/légumes ou des monodiètes lorsque j’en ressentirai le besoin. Il me faudra plus de recul pour voir les effets sur la santé mais j’ai aussi fait ce jeûne pour prendre soin de mon système immunitaire.